Natalia Sepúlveda Reina – journaliste et communicatrice sociale
Lorsqu’à l’aube du 28 octobre plus de 2 500 agents ont fait irruption dans les complexes d’Alemão et de Penha, à Rio de Janeiro, l’« Opération Contention » est devenue l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire récente du Brésil. Selon les premiers chiffres diffusés par des médias internationaux, l’opération aurait fait au moins 64 morts, dont quatre policiers. Quelques jours plus tard, la Defensoría Pública do Estado de Rio a porté le bilan à plus de 120 victimes, et certaines sources évoquent désormais jusqu’à 132 décès.
Présentée officiellement comme une offensive contre le Comando Vermelho, l’opération a laissé derrière elle un paysage de peur et de désolation. Dans les rues des favelas, des corps non identifiés traînaient et un silence qui ravive les accusations d’exécutions extrajudiciaires et d’abus systématiques lors des interventions policières. Tandis que le gouvernement la décrivait comme un « succès opérationnel », des organisations de droits humains la qualifient de massacre au racisme et au mépris des classes populaires. La majorité des victimes était composée de jeunes noirs issus des zones les plus pauvres de la ville, ce qui illustre une nouvelle fois une politique de sécurité qui privilégie la répression et le contrôle territorial.
L’opération a eu lieu, de surcroît, à quelques jours de plusieurs événements internationaux liés à l’agenda climatique, comme le C40 World Mayors Summit et la cérémonie Earthshot Prize 2025, tous deux organisés à Rio de Janeiro juste avant le début de la COP30 à Belém (6–21 novembre). Selon Reuters, cette coïncidence temporelle a amené divers médias et analystes à s’interroger sur le fait que le déploiement fasse partie d’une stratégie de « nettoyage » et de contrôle urbain à l’approche des délégations étrangères.
Ce n’est pas un fait isolé. À l’approche de grands événements internationaux (comme la Coupe du Monde 2014 ou les Jeux Olympiques de 2016), Rio de Janeiro a déjà été le théâtre d’opérations destinées à « pacifier » les favelas et à projeter une image de stabilité devant le monde. L’Opération Contention confirme cette continuité : une politique de sécurité qui privilégie l’apparence de l’ordre au détriment de la vie de ses habitants.
Chaque déploiement semble suivre le même schéma : nettoyer, contenir, exhiber le contrôle. Derrière la rhétorique de la sécurité s’impose une vision de la ville qui sépare ceux qui méritent protection de ceux qui doivent être surveillés. Dans les favelas, la dite guerre contre les drogues ne combat pas le crime : elle le gère et l’utilise comme prétexte pour justifier la violence d’État. Pendant des décennies, cette guerre a servi au Brésil de prétexte pour la répression, légitimant des actions qui occupent des territoires sans résoudre les problèmes de fond et qui punissent la pauvreté au lieu de s’attaquer aux causes du recours à la drogue.
La massacrе du 28 octobre met en lumière la contradiction d’un pays qui se présente comme défenseur du climat et des droits humains, tout en maintenant des politiques qui perpétuent la violence structurelle et le racisme institutionnel qu’il prétend combattre.
Qu’il soit rendue justice pour ceux qui sont morts dans une guerre qui n’était jamais la leur.